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FAIRE LE DEUIL D'UN ENFANT : À CHACUN SON RYTHME

  • Photo du rédacteur: Le Hub
    Le Hub
  • 31 janv. 2020
  • 4 min de lecture

Une parenthèse de cinq jours après le décès de son enfant. C'est ce que propose actuellement le droit du travail en vigueur en France. Jeudi 30 janvier, l'Assemblée nationale a rejeté son allongement. Mais peut-on estimer la durée d'un tel deuil ?

Maskot / Getty Image

Combien de temps dure le deuil ? Choc, démarches administratives et surtout, une immense douleur... En cas de perte d’un enfant, le droit du travail permet à l’employé de prendre un congé de cinq jours. Pas assez selon un parlementaire du groupe UDI-Agir, qui a posé cette délicate question à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, jeudi 30 janvier.


Un débat tendu à l’Assemblée

En 2015, Pascaline Meyer, agent administratif, a perdu sa fille Lucie, âgée de 14 ans, morte d’un cancer. Pendant quatre mois, elle n’a pas été capable de reprendre le travail, accumulant poses de congés payés et de congés maladie. « Apprivoiser l’absence d’un enfant, ça n’a rien à voir avec le deuil d’un adulte », expliquait-t-elle dans le cadre d’une mission à la fédération “Grandir sans cancer”. Ce témoignage a motivé le député Guy Bricout (UDI-Agir) à proposer une loi instaurant un congé de douze jours consécutifs pour le décès d’un enfant, estimant qu’une parenthèse de cinq jours n’était pas suffisante pour « reprendre pied suite à la mort d’un enfant. » En France, 4500 enfants en moyenne meurent avant d’avoir atteint la majorité selon le député.


Amendé en commission mercredi 29 janvier, le texte a été rejeté le lendemain, à 40 voix contre 38, à l’issu d’un débat houleux. Jugeant qu’il était « trop facile de s'acheter de la générosité sur le dos des entreprises", la députée LaREM Sereine Mauborgne a provoqué la colère de François Ruffin : « On parle de la tragédie des tragédies (...) douze jours, je pensais que ça passerait comme une lettre à la poste », a lancé le député de la France Insoumise à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.

Il n’y aura jamais assez de jours congés”

L'une des mesures proposées par Guy Bricout a néanmoins été acceptée : la possibilité pour un employeur de créer un compte de don de RTT. Pour le psychologue Pascal Anger, qui travaille notamment sur l’accompagnement du deuil, le partage de RTT peut dans ce cas être « un moyen de montrer qu’on partage la douleur de l’épreuve qui vit un collègue, sans lui peser.

Convaincu de l’utilité de « légiférer sur ces questions, même s’il n’y aura jamais assez de jours de congés pour répondre au deuil. » le psychologue rappelle la spécificité de la perte d’un enfant :

« Perdre un enfant, c’est une injustice, cela n'est pas dans l’ordre logique des choses. On n’est jamais préparé à cet événement et au-delà, on n’est jamais assez accompagné.»

Respecter la singularité des vécus du deuil

L’expérience d’un tel événement est profondément intime. Chaque deuil est vécu avec une temporalité différente. Pascal Anger se souvient d’un patient qui avait repris directement le travail, mais « s’effondrait derrière son bureau ». Au contraire, certains endeuillés ressentent le besoin de travailler, sans marquer de temps de pause. Dans ce cas, il est important de ne pas être dans le jugement, explique le psychologue : « Lorsque Patrick Poivre d’Arvor a perdu sa fille, ou le comédien Roland Giraud, se souvient-t-il, certains reprochaient que l’un reprenne le chemin du journal télévisé, et l’autre, le chemin du théâtre. C’était peut-être une parenthèse, on ne pouvait savoir où se trouvait leur tristesse à ce moment-là. »

Au-delà du don de jours de congés, comment soutenir un collègue lors de cette épreuve ? Encore une fois, le psychologue appelle l’entourage à respecter ses réactions et ses émotions : « On peut essayer de sentir les besoins de l’autre. Ils peuvent être différents d’une personne à l’autre. »


Mais il faut aussi faire preuve de bienveillance et comprendre « la colère qui peut s’emparer de certains endeuillés, l’agacement ou toutes ces émotions qui pourraient nous paraître excluantes, souligne le psychologue. Elles correspondent à un besoin que l’autre peut avoir à ce moment, parce que, dans la douleur, il a l’impression que personne ne va pouvoir le comprendre dans son deuil. » Dans la tristesse, le temps est agissant, mais le rythme est propre à chacun. La consolation n’est pas toujours dans “les pleurs, constate Pascal Anger, mais dans les retrouvailles avec des sensations ou des retraites.


 

LA PERCEPTION DU TEMPS DU DEUIL


Aujourd’hui, chacun est sommé de faire son « travail de deuil » selon l’expression forgée par Sigmund Freud, pour se reconstruire rapidement sans l’être perdu et tourner la page. Peut-on parler d’une forme d’accélération du deuil ? Ce n’est en tout cas pas la perception qui ressort de l’enquête sur le vécu du deuil réalisée par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) auprès de 3377 Français, en mars dernier. Pour 50% d’entre eux, on ne se remet pas d’un deuil. La même proportion refuse de considérer que le deuil a « un début et une fin ». Parmi eux, 75% considèrent que cet état ne se limite pas à la période comprise entre « le décès et les obsèques ». La plupart des Français se sont sentis endeuillés pendant trois à cinq ans.


P.P.

 
 
 

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