[ABONNÉ] VIOLENCES CONJUGALES : FAUT-IL LEVER LE SECRET MÉDICAL ?
- Le Hub
- 28 janv. 2020
- 3 min de lecture
Une proposition de loi LREM, débattue ce mardi dans l’hémicycle, propose de lever partiellement le secret professionnel des médecins en cas de violences conjugales.

Faut-il lever le secret médical en cas de violences conjugales ? © Pixabay
Les professionnels de santé doivent-ils avoir la possibilité d'avertir la justice, sans l’accord de la victime présumée, s’ils suspectent des violences conjugales ? C'est en tout cas ce que proposent Guillaume Gouffier-Cha et Bérangère Couillard (LREM) dans une proposition de loi débattue à partir de ce mardi dans l'hémicycle.
Le Hub a interrogé deux professionnelles ayant des avis divergents sur le sujet. D'un côté, Marlène Frich, conseillère conjugale et familiale au Kremlin-Bicêtre, s'oppose à cette proposition de loi. De l'autre, Victoria Mizrahi, conseillère conjugale et familiale à La Rochelle, y est favorable.
Marlène Frich, conseillère conjugale et familiale

Je suis contre, y compris concernant le secret médical des assistantes sociales. Les femmes victimes sont très changeantes. Elles ont diverses raisons de ne rien dire et diverses façons de réagir. Si le médecin décide de saisir la justice, cela pourrait les bloquer.
En quoi cela pourrait-il être contre-productif pour les victimes ?
Les réactions des victimes peuvent être très imprévisibles. Parfois, elles ne sont pas prêtes à en parler ou elles veulent protéger leur homme. Prenez l’exemple des femmes enceintes qui subissent des violences conjugales : si le personnel médical se doute de quelque chose, il arrive souvent qu’elles déménagent car la sécurité du bébé est en jeu. En résumé, le résultat ne serait pas le bon. Ce serait perdre de vue les victimes plutôt que de les aider.
Que deviendrait alors le rapport de confiance entre la victime et son médecin ?
Il n’y en aurait plus. Quand elle est chez le médecin, la victime dit des choses qu’elle ne dit à personne d’autre. Si le médecin saisit la justice derrière son dos, elle risque de changer de médecin. Tout simplement.
Quel est le rôle des médecins dans ces cas-là ?
J’ai vu un film à ce sujet récemment. La victime va à une consultation médicale pour un soi-disant mal d’estomac. Le médecin lui pose des questions et elle réussit à avouer qu’elle est victime de violences conjugales. Comme il a des contacts, il l’oriente alors vers des associations pour lui venir en aide. C’est ça le rôle des médecins : suivre et orienter les patientes.
Propos recueillis par E.W.
Victoria Mizrahi, conseillère conjugale et familiale

Je suis pour. Pour moi, lever le secret professionnel des médecins est une avancée dans la lutte contre les violences conjugales. Les médecins connaissent parfois très bien leurs patients mais n’osent pas porter plainte à cause du secret médical, alors qu’ils constatent les stigmates des violences.
En quoi cela pourrait-il être contre-productif pour les victimes ?
Il faut faire le plus de choses possible pour que les violences conjugales cessent. Ça a été un tabou pendant longtemps, et ce n’est que depuis quelques années que l’on en parle et que l’Etat se saisit du sujet. Savoir que son médecin peut l’aider pourrait au contraire faire que la victime lui en parle plus facilement. Il peut aussi arriver que certaines victimes ne donnent pas d’explications sur leurs traces de violences, mais qu’elles espèrent que le médecin fasse quelque chose. Dans ce genre de situation, le projet de loi va dans le bon sens.
Que deviendrait alors le rapport de confiance entre la victime et son médecin ?
Si la loi passe, je pense que ce lien de confiance pourrait parfois être rompu. De plus, le médecin osera-t-il demander à un mari violent s’il bat sa femme ? Avoir le pouvoir d’aider une victime ne veut pas dire que ce pouvoir sera nécessairement utilisé. Ce sont des situations complexes.
Propos recueillis par E.T.
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